Désengorgement des prisons : l’administration appelée à emboîter le pas à la province de Ngozi

Chaque vendredi les véhicules des administrateurs communaux en province de Ngozi sont déployés aux tribunaux de résidence. Objectif : Diminuer l’effectif des dossiers pendants. C’est ce qui ressort du rapport restitué par la commission de la justice et des droits de la personne humaine au cours de la séance plénière du mercredi 05 juin 2024.

Cette commission a en effet effectué en dates des 22, 23 et 24 janvier 2024 des descentes dans les prisons des provinces Muramvya – Gitega – Ruyigi ; Bubanza – Mairie de Bujumbura ; Ngozi – Muyinga et Bururi – Rumonge – Rutana. Sensibiliser les autorités judiciaires à suivre de près les prestations des juges, se rendre compte de l’état des lieux des maisons carcérales et vérifier la matérialisation de la loi en matière carcérale, tels étaient les quelques objectifs poursuivis dans ces descentes qui ont abouti aux questions orales avec débat à l’endroit du Ministre de la justice.

Tout en saluant l’implication du Gouverneur de la province de Ngozi qui a vite assimilé la notion de synergie en matière judiciaire, Madame Domine Banyankimbona a aussi souligné la contribution de l’ENABEL qui a octroyé une dizaine de véhicules au département judiciaire dans cette province. Les effets de l’amélioration des conditions de travail sont palpables. C’est notamment la rapidité des jugements, ce qui entraîne la réduction de la population carcérale.

A ce propos, les Honorables Députés ont énuméré une série de démarches qui favorisent la surpopulation carcérale. Certes, les descentes se sont focalisées sur les prisons mais force est de constater que les gens croupissent dans les cachots des commissariats des communes sans chefs d’accusation valables et donc sans dossiers.

Même si elle a reconnu la mauvaise foi de certains juges ou agents de la police judiciaire, le Ministre de la justice soutient que tout manquement doit être sanctionné, comme pour appuyer l’adage selon lequel « Qui vole un œuf est aussi capable de voler un bœuf ». Tout en distinguant le délit majeur du délit mineur, Madame Domine Banyankimbona s’est interrogée sur le sort d’un pays où tout le monde s’adonnerait aux délits mineurs. L’ idéal, a-t-elle souhaité, est qu’un détenu frappé d’un délit mineur assure le dédommagement dans les meilleurs délais pour ne pas gonfler l’effectif de la surpopulation carcérale.

Quand la plénière s’est étonnée de voir la capacité d’accueil des prisons, de loin dépassée par l’effectif de la population carcérale, le Ministre de la justice y trouve plutôt une certaine proportionnalité. La plupart des maisons de détention sont archaïques. Dans le temps, le Burundi était aussi moins peuplé qu’aujourd’hui. Maintenant que l’effectif de la population a augmenté d’un cran, les délits ont aussi augmenté. Les chiffres sont parlants, a-t-elle illustré par le cas de la prison de Gitega. Construite en 1926 pour abriter 400 détenus, aujourd’hui elle en compte 1640, soit une augmentation de 410%. Un autre cas de figure est la prison de Mpimba. Erigée en 1959 pour loger 800 détenus, actuellement elle en abrite 5037, soit une augmentation de 629,6%. Et le Président de l’Assemblée nationale de la compléter avec humour. Si jamais le principe selon lequel :  » La liberté est la règle et la détention, l’exception », était effectif, le monde deviendrait un paradis. L’esprit rebelle est intrinsèque à l’espèce humaine, a-t-il rappelé.

Une opinion s’est souvenue qu’en 2017 la même commission, qui avait effectué ce genre de descente, avait aussi formulé des recommandations qui sont reprises. C’est notamment l’archivage électronique des dossiers, la réhabilitation des maisons carcérales, l’accompagnement des détenus par des avocats. Et de demander la place que le Gouvernement réserve aux recommandations formulées par le Parlement à son endroit.

Formuler une recommandation est une chose et la concrétiser en est une autre, s’est défendue Madame Domine Banyankimbona avant de démontrer que la matérialisation requiert d’autres attentions.

Les Honorables Députés ont également poussé des grognes au sujet des détenus qui demeurent dans les maisons carcérales après leur acquittement soit par la grâce présidentielle, soit après avoir purgé le quart de leur peine.

Les gens pensent ainsi par méconnaissance de la loi, a réagi Madame Domine Banyankimbona pour qui la décision du juge d’un tribunal de résidence ne suffit pas pour libérer tel ou tel autre détenu. Le ministère public peut interjeter appel, a-t-elle illustré, ce qui peut retarder ou stopper la libération. Or, a-t-elle déploré, le public ignore des fois tout ce processus.

La plénière et l’Envoyée du Gouvernement ont émis le souhait de voir la pratique de contrainte par corps supprimée.