Connaître l’histoire: une leçon à tirer des échecs du passé

D’après le Président de la Commission Vérité et Réconciliation, CVR en sigle, le bilan provisoire est de 23 000 personnes assassinées dans tout le pays sans considérer des tas d’os broyés par les bulldozers ou dû à la composition chimique du sol, celles tuées et décomposées dans la nature, celles brûlées vifs ainsi que celles jetées dans les rivières qui ne permettent le dénombrement des victimes. Telles sont les réalités apprises par les Honorables Députés lors d’une visite guidée aux sites de mémoire du génocide de 1972-1973, en province Gitega et Karusi, effectuée ce vendredi 1er mars 2024.

Le 1er Vice-Président de l’Assemblée nationale, Dr Sabine Ntakarutimana, s’est indigné contre les actes hors qualification perpétrés contre les personnes innocentes. Au nom du Président de l’Assemblée nationale et au nom de tous les Députés, elle encourage la CVR pour travailler afin de n’enregistrer aucune, sinon une petite marge d’erreur dans leurs investigations pour que la vérité éclate au grand jour. D’après Dr Ntakarutimana, que cette vérité ne soit pas une occasion de se rentrer dedans mais plutôt, précise-t-elle, que cette histoire soit une leçon aux générations futures pour ne plus voir ce genre d’animosité se reproduire au Burundi ni ailleurs. Ce sont des actes visiblement préparés et mis en œuvre.

A l’école technique des jeunes de Gitega, les Honorables Députés ont été témoins des restes humains composés d’ossements, habits, chaussures, colliers, bagues alliances des victimes. Ils ont aussi constaté que les objets utilisés pour dilapider les Burundais ont été trouvés sur les lieux, entre autres les douilles de fusils, les chaînes annelées, barres de fers, cordes en plastiques et en fils de raphia ( igatanyi), câbles électriques, cartouches, objets tordants, ficelle, etc.

Au site Mashitsi, en zone et commune Giheta de la province Gitega, les Honorables Députés ont visité 4 fosses communes qui contenaient 1761 personnes comptables assassinées et une quantité énorme d’os broyés par des machines bulldozers lors de l’ensevelissement. Ces personnes venaient de Karusi, Gitega, Muramvya, Muyinga, Ngozi, Bujumbura et même ailleurs. La CVR a réalisé des marquages et protection du site par des arbres-mémoires comme le ficus, les érythrines et autres, conformément à la culture burundaise.

Le site du pont Ruvubu qui se situe sur la colline Bukirasazi, en commune Shombo de la province Karusi, compte 8 fosses communes avec 7 348 personnes exhumées. Un témoin oculaire du nom de Maximilien affirme être l’un des prisonniers qui déchargeait les corps des personnes vivantes ou mortes pour les mettre dans des fosses préalablement creusées à cet effet. 4 autres fosses n’ont pas encore été escavées, précise le Président de la CVR.

Différentes inquiétudes des Honorables Députés ont été levées. Le Président de la CVR précise que les victimes ne viennent pas d’une seule ethnie comme certains le pensent. Les hutus et les tutsis ont tous été touchés. Néanmoins, il est important de savoir que le dernier rapport parle des évènements chronologiquement depuis le temps de la colonisation jusqu’en 1973 et qualifie juridiquement chaque cas. Citons le cas de Ngendandumwe, de Rwagasore, des syndicalistes, de Monseigneur Gihimbare, des événements de 1972, etc. Le souhait des Honorables Députés est d’accélérer le recensement des victimes tant que certains témoins oculaires sont encore en vie. Plus le temps passe, plus les témoins vieillissent ou meurent, dit l’un des Députés qui demande que les investigations portent aussi sur les personnes qui ont attaqué le Burundi depuis la Tanzanie en 1972.

Des recommandations émises vont dans le sens de continuer le travail et apaiser les esprits des morts. Il faut savoir parler aux morts, a dit le M. Pierre Claver Ndayicariye. Ces recommandations sont les suivantes:

– Trouver une maison digne et appropriée de conservation pour les restes des victimes exhumés dans tout le pays, ce qui demande des moyens financiers et des produits pour les protéger contre la décomposition ;

– Construire un musée national de mémoire qui servira de connaître le passé qui a laissé des blessures aux différentes familles et ce lieu sera une source de lumière pour les générations présentes et futures ;

– Protéger le site de Mashitsi contre les agriculteurs probables sinon le site perdra sa valeur ;

– Pourvoir à la Commission Vérité et Réconciliation des moyens humains et financiers nécessaires pour la poursuite de sa mission ;

– Voir comment ériger un monument dédié à l’histoire de la Ruvubu parce que, mis à part les fosses communes, d’autres personnes ont été jetées dans la Ruvubu, a conclu Pierre Claver Ndayicariye.

A la fin de la descente, Honorable Premier Vice-Président de l’Assemblée nationale a demandé à la population de donner toute information en sa possession à la commission car la vérité ne viendra que d’elle. Les recommandations données seront transmises intégralement au Président de l’Assemblée nationale et qui, sûrement produira effet pour la bonne marche de la gestion de l’histoire, ajoute-elle.

Dr Sabine Ntakarutimana a terminé son propos affirmant que c’est grâce à la prière que tout le monde a pu tenir devant de telles choses. Cette descente aura été très bénéfique d’autant plus que ça coïncide parfaitement avec le contenu des rapports de la CVR.